La quinzième étape du périple brabançon nous amène à nous pencher sur le passé brassicole de notre
région. Vous connaissez la « Vieux-Temps » ?
C’est une bière de fermentation haute, ambrée et légère (4,7°). Elle a le
goût des bières anciennes tout en ne dépassant pas la densité de la plupart des
pils. Elle a été créée et longtemps brassée à Mont-Saint-Guibert.
On a envie de s’y arrêter et d’y boire une bonne bière !
Déjà en 1040, le moine Olbert de l’abbaye de Gembloux
acquit une brasserie, six maisons et un moulin sur ce qui devait devenir le
village de Mont-Saint-Guibert. On y
brassa une bière réputée pour sa douceur. Une industrie nouvelle était née. Le
19ème siècle vit une multiplication des brasseries et notamment la Brasserie Grade.
Jean-Joseph
Grade, né en 1839, épousa une Guibertine, Marie-Thérèse Fecher. En 1858, il
créait une brasserie dans la ferme Fecher, sur un terrain contigu à l’Orne, le
ruisseau qui traverse le village.
La concurrence fut rude, En effet, chaque ferme possédait
à l’époque sa brasserie. Seule la brasserie Grade résista à l’érosion du temps.
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Place du Peuple : café approvisionné par la Brasserie Grade.
Blog de leperronlibere Mont-Saint-Guibert |
Il faut dire que la famille Grade fait preuve d’un bon
esprit d’entreprise et d’ingéniosité.
En effet, dès la fin du 19ème siècle, la
brasserie Grade investit dans les technologies modernes comme une machine à
vapeur. Elle continue à se moderniser et échappe ainsi au marasme des années
1920 et 1930. Pierre-Joseph Grade,
le fils de Jean-Joseph, construit une malterie permettant ainsi la fabrication
de la bière depuis l’orge jusqu’au produit fini.
L’ingénieur-brasseur a le nez fin en produisant des
bières spéciales de fermentation haute comme le Stout, le Scotch et d’autres
bières de type anglais très en vogue après la première guerre mondiale. C’est
dans cette catégorie de bières que la Vieux-Temps vit le jour vers 1935. Elle allait
consacrer la réussite de la brasserie Grade. Sa production est arrêtée pendant
la guerre mais reprend dès 1946 avec 5000 hectolitres par an. Elle obtient le
premier prix des bières spéciales au concours international de la Brasserie en 1950 à
Edimbourg et le premier prix à Luxembourg l’année suivante.
Les descendants, Jules
puis Jo Grade, ont assuré à la
brasserie guibertine une expansion et une réussite sans faille, renforcées par
l’entrée des bières de l’abbaye de Leffe dans le groupe.
La petite
entreprise familiale était devenue importante et a attiré inévitablement
l’intérêt des géants brassicoles. L’aventure guibertine devenait doucement mais
sûrement une grande affaire sur l’échelle européenne. Une mutation, une
restructuration et un regroupement furent le prix à payer. La brasserie Grade
perdit sa dimension humaine, « une certaine convivialité » comme
l’exprimait Christian Laporte dans Le
Soir du 10 juin 1989.
En résumé,
de 1980 à 1986, la brasserie continue à se développer avec des techniques de
plus en plus modernes. En 1970, un accord commercial est conclu avec la société
Artois de Louvain. Outre la
Vieux-Temps, d’autres bières
vont être brassées à Mont-Saint-Guibert, c’est en 1977 que Jo Grade
réalise la Leffe
blonde. En 1983, la
Brasserie Grade devient la Brasserie Saint-Guibert.
. La production annuelle est de 200.00 hectolitres de Vieux-Temps et de 130.000
hectolitres de Leffe en 1986. Une nouvelle bouteillerie et l’extension du hall
de manutention et de chargement furent les derniers actes à Mont-Saint-Guibert.
En 1988-89,
Interbrew est formé suite à la fusion de la brasserie Artois de Louvain et de
la brasserie Piedboeuf de Jupille-Liège. L’étape suivante fut la disparition de
la brasserie de Mont-Saint-Guibert en 1996. Le matériel est démonté pour être
utilisé dans d’autres brasseries du groupe.
La
brasserie Grade n’existe plus, c’est tout un pan du patrimoine guibertin qui
disparaît.
Aujourd’hui,
on peut toujours boire une Vieux-Temps à la santé de la famille Grade.
SANTÉ !
Pour
en savoir plus :
Mont-Saint-Guibert et Court-Saint-Etienne / Roger Delooz
Lonzée : Delooz
R., 1995
142 p. : ill.,
photos, plans ; 27 cm
Mais aussi :
Dossier de presse : Industries / Mont-Saint-Guibert