Lucien Laudy écrit ceci :
« La butte de terre du lion de Waterloo fut
érigée en deux ans, de 1824 à 1826. Elle mesure 40.50 m de haut et 520 m de
circonférence à sa base, soit un volume de plus de 290.000 mètres cube de
terre… Le lion, du poids de 28.000 kilos est en fonte de fer et non point coulé
à l’aide du bronze des canons français comme on le rapportait par erreur. Il
sort des ateliers Cockerill de Seraing… il repose sur un piédestal en pierre
bleue élevé sur une colonne de maçonnerie qui descend jusqu’à la base de la
butte. Sur ce piédestal on lit : XVIII JUNI MDCCCXV. La butte du Lion est
un monument néerlandais… »
On raconte
que ce sont des botteresses liégeoises, recrutées par John Cockerill, qui
transportèrent, hotte par hotte, toute la terre provenant des talus du chemin
creux d’Ohain. Il semble cependant qu’on
n’ait trouvé aucune trace de leur séjour dans la région. Y a-t-il eu une
présence féminine sur ce chantier
titanesque ?
Un
écrivain français, Saintine, venu à Waterloo avant 1830 déclarait froidement à propos de la butte:
« Il entra comme matériaux dans la butte cent mille charretées de
terre et dix mille cadavres ! ».
Or si
l’architecte de la butte s’inspira bien des tumuli des civilisations anciennes
qui contenaient bien des corps humains, les victimes de Waterloo furent quant à
elles, emmenées dans les cimetières voisins ou brûlées sur place.
Lors
de travaux sur le champ de bataille en 2012, on a retrouvé le squelette d’un
soldat allemand, d’une unité hanovrienne, alliée aux Britanniques.
Mais
la question de vandalisme et de sacrilège se pose. Vandalisme pour l’extraction
de terre à un endroit célèbre du champ de bataille et par conséquent de la
défiguration du site, sacrilège parce que ce fut le champ d’honneur où
tombèrent de nombreux soldats venus défendre un idéal.
Quant
au lion, coulé dans les ateliers de Cockerill à Seraing, il est en fonte de
fer. La statue est creuse en neuf morceaux assemblés et pèse 28 tonnes, mesure
4.50 en hauteur comme en longueur. Il repose sur trois pattes, la quatrième
s’appuie sur le globe terrestre à moins que ce ne soit un boulet de canon…
polémique qui soulève diverses thèses : symbole de victoire et de paix
pour l’Europe ou un modèle de domination d’une nation sur une autre ?
D’autres
choix furent objet de discussions : la direction de la tête vers la
France, la position de sa queue, haute ou basse ?
La
butte et le lion furent menacés de destruction. En effet, 15 ans après la
bataille de Waterloo, la Belgique devint indépendante et les ennemis d’hier
étaient devenus des alliés.
En
1832 les troupes françaises commandées par le général Gérard mirent fin au
siège d’Anvers par l’armée hollandaise.
Ému
par l’aide apportée par les Français pour renvoyer les troupes hollandaises
hors du pays, le député, Alexandre Gendebien, déposa le 28 décembre 1832 la
proposition de loi suivante :
« Attendu que le « Lion de Waterloo »
est odieux à la France comme à la Belgique, par ce qu’il perpétue le souvenir
du triomphe passager de la force brutale sur la civilisation […] décrète :
1) La nation
belge adresse des remerciements à l’armée française et à ses dignes
chefs.
2) Le Lion de Waterloo sera converti en bombes et
boulets pour servir à la défense de l’indépendance et de la liberté des deux
peuples. Il sera remplacé par un monument funéraire sur lequel flotteront à
perpétuité les couleurs de la France et de la Libre et Indépendante
Belgique »
Seul
le premier article recueillit l’unanimité des suffrages.
Le
second fut repoussé à forte majorité après de nombreuses et âcres discussions.
« S’il n’y avait pas eu Waterloo, Bruxelles
serait encore le chef-lieu d’un département français » déclarait Jean-Baptiste Nothomb
Quant
au comte Robiano, il considérait la suppression du monument comme un geste
impolitique :
« Il faut éviter d’irriter l’Europe. Car la
bataille de Waterloo fut précieuse à l’Europe, à la France même. L’absolutisme
est indépendant de Waterloo. »
Gendebien
tenta de défendre son projet mais rien n’y fit.
La
presse est également opposée à la destruction du monument. Le journal « Le Belge »
écrit :
« Les monuments publics
sont des livres d’Histoire à l’usage des peuples. Respectez-les, si vous voulez
être respectés. »
« L’Indépendant » publie ceci :
« Nous regrettons de voir
mêlés les souvenirs de 1815 à la gloire présente. Waterloo appartient à
l’histoire, le présent seul appartient aux Chambres belges. »
Le Lion de Waterloo fut donc sauvé de ce projet de démolition.
Il veille toujours, deux cents ans plus tard, sur la « morne
plaine ».